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Fable culinaire : la Truite aux amendes

(PETREK)

Dans un ruisseau de Haute Savoie
Un beau poisson nageait très vite
Et dans la pente filait tout droit
Quelle belle allure, quelle belle truite !

Elle descendait de la montagne
La nageoire preste et l’œil serein
Certaine qu’au cœur de la campagne
Personne ne lui coup’rai chemin

Cependant,
Non loin de là, au bord de l’eau
Embusqué avec son radar
L’œil torve, assis en plein boulot
Un gendarme attendait peinard

Il était là, notre Zorro !
Prêt à décocher ses amendes
A qui trop vite sur les flots
Glisserai près de ses plates bandes

Moustache

« J’attends tranquille le chauffard
Faut voir à pas sortir du rang
J’ai des quotas à faire valoir
Vive la France, sus aux délinquants !

De son côté,
Dame poisson ne se doutait
De rien elle était en retard
Progressiv’ment accélérait
D’un subtil mouv’ment de nageoire

Elle allait porter à la ville
Au restaurant chez une amie
Un pot de beurre et un peu d’huile
Afin que le repas soit cuit

Rêveuse, au long de son parcours
La belle ne fit pas attention
Soudain, le ruisseau dans son cours
Passait au milieu des maisons

C’était là, justement, malin
Que se cachait notre moustache
Entre les joncs et les sapins
Comme un gamin en plein cache-cache

La belle passa à vive allure
Et le radar de notre oiseau
Se mit au rouge, au rouge bien mûr
Il se dressa sur ses ergots

Dans son sifflet, il souffla fort
Fit de son bras le geste auguste
Notre poissonne prise de remord
Fit demi-tour pour voir au juste

Quel était ce clairon aigüe
Qui lui vrillait l’ouie, malheureuse,
Elle tomba vite dans le chalut
Du sergent chef, la mine rieuse

« Dis donc mignonne, ramène ta fraise,
Dis, dans le centre du village
Tu filais plus vite qu’une anglaise
Laissant d’la mousse sur ton passage !

Faudrait voir à pas déconner
Aux vieux briscards, On la fait pas
Tout p’tit déjà, avant d’être né
Je rêvais d’mettre le monde au pas !

La vitesse est règlementée
Et que tu sois un beau poisson
N’y fera rien, tu dois payer
Exemplaire sera ma sanction ! »

A ces mots, la belle Fario
Baissa la tête sous la lune
Mais rien n’y fit et le Kapo
La sanctionna d’une belle prune

La truite aux prunes est une variante
Mais ne nous égarons pas trop,
Cette prune est moins allêchante
Lors, reprenons notre propos

Ainsi donc,
De notre truite, il orna l’dos
Lui épingla sur les écailles
Salée, une amende au cordo
« Faut pas rire avec la racaille ! »

Notre poisson pu repartir
Mais cette fois ci fit attention
De ne pas trop vite déguerpir
On aurait dit un limaçon

Elle fut si lente, la dondon
Que, tempêtant dans son sillage
On vit un gros embouteillage
Formé de tanches et de goujons

Les pêcheurs, sur les bords de l’eau
Crièrent, jurèrent et firent appelle
A notre agent qui vint, recto
Avec son carnet à prunelles

« C’est la seconde fois mad’moiselle
Que je vous chope… seconde amende ! »
Et de re-chef aligne la belle
Qui reprend le cours de sa pente

« Trop vite, trop lente que leur faut-il ?
J’en ai plein la nageoire dorsale
Plein les écailles, plein le baril
J’en ai plein l’fion de ces rorquals

Ainsi,
Tourneboulée, notre fillette
Continua sa livraison
Elle n’avait plus toute sa tête
On aurait dit un gros avion

Elle ne vit pas la malheureuse
Au beau milieu de la rivière
Comme une pente savonneuse
Le tremplin que formait une pierre

Elle se rua tout droit, pauvrette
Sur l’artificiel ponton
Et dans les airs, plana Georgette
C’était à la truite son prénom !

Quelques secondes elle s’envola
Comme une bombe retomba
Fondit en larme en contrebas
Chez son amie, au fond d’un plat

Voila, amis, comment un jour
Vous le saurez si on vous d’mande
Est né le plat que l’on savoure
La célèbre truite aux amendes.