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L’enfant carton

(Petrek)

Dodue, vieille peau, foutu feignasse ! et d’un doigt raide haut levé, l’enfant-carton s’en est allé…

L’or du soir tombait déjà.  La place du parking allait se libérer et comme à chaque fin de journée,  il allait poser ses os, là où quelques instants plutôt une vieille dame était descendue de voiture. Elle avait rempli son caddie, puis s’était engoinfré d’une chips molle, avant de remonter dans son véhicule tout aussi mollement en chantonnant un air facile…

L’enfant avait l’œil noir et les lèvres serrées. Il sentait la sueur.  La fatigue semblait irradier son corps jeune. Il était, au cœur de cette ville moyenne, comme en suspension et rien ne semblait pouvoir marquer une pose dans sa vie actuelle. Il avait pourtant connu l’amour, sans doute. Un enfant n’est il pas toujours le fruit d’un acte d’amour ? Non, peut être pas ! Peut être était il juste là, comme le résultat d’une addition tombée sur l’écran de la machine à calculer, sans autre préalable que  biologique.. Il était un accident biologique… et, depuis ses plus jeunes années, il se débrouillait avec ça…

Un accident biologique sans réel projet, sans d’autres fonctions que celles qui, vitales, animent son corps…

Alors, il marchait, il fonctionnait. Il était l’outil sans la main, une sorte de mécanique à respirer, boire et manger… Il dormait, mal !

Le jour, il parcourait le bitume parce qu’il avait des jambes et que les jambes sont faites pour ça. Il regardait mais son œil ne pensait pas, l’œil glissait sur les images qui l’entouraient. Rien ne retenait son attention. Ses pensées dansaient sans joies sur les minutes qui l’accueillaient comme la lame d’un couteau accueille la chair d’un animal. Il avait mal mais un mal lancinant, profond qui encquilose, qui endort, qui n’élève pas.

Ce soir là, la grosse dame partie, il installa son carton à sa place… Il avait décidé, il y a des années, que cette place était faite pour lui. Elle était son lit, sa demeure, sa cabane au fond des bois, son chez-soi. Il s’était lié d’amitié avec ce carton qui l’isolait du sol. Les fourmis lui rendaient visite chaque soir et chaque soir, après en avoir écrasé quelques unes, il s’endormait pour quelques heures chahutées. L’enfant, alors, parcourait en cauchemar sa triste réalité. Il revoyait ses parents ping-pong se renvoyer insultes et coups à travers la figure. Le match était truqué, ils n’avaient pas le droit.  Lui, l’enfant, il savait que des parents ne se tapent pas ! Des parents, c’est gentil ! Des parents s’aiment, se regardent avec bienveillance, s’entraident mutuellement et parcourent demain, ensemble… Alors l’enfant pleurait mais pas trop fort pour ne pas rendre plus piquante la situation qui l’était déjà bien assez

Un jour, il était parti de la maison. Il y avait des adultes dehors qui prendraient soin de lui… Mais, il n’avait pas réussi à leur faire confiance. Il pensait qu’il était quand même un peu handicapé, sinon, il n’aurait pas eu cette vie là tout de même !

Au petit matin, une grande personne, le gérant du Magasin, je crois,  a pointé son bout du nez… Il avait l’air gentil, il était un peu rougeau. 

–        Allez, debout mon gars, les clients vont arriver… Il faut partir !

Alors, l’homme lui a glissé un pain au chocolat dans la main et l’enfant est parti cacher son carton-lit jusqu'au soir suivant.