Aller au menu | Aller au contenu

On est ensemble… (Parfum d'enfance)

(Petrek)

«  La butte rouge, c’est son nom, l’baptême s’fit un matin… »…

Chaque fois la même chanson, chaque fois la même émotion !

Puis soudain, on ravale sa tristesse, on en profite pour avaler, en même temps, un généreux morceau de brioche. Il y a la salade de fruits qui vient tremper la langue comme la pluie fait naitre la flaque d’eau.

Et ça repart…

Les temps de repos durent peu ! Quelle sera la prochaine chanson ? Qui va se lancer ? Et si l’on faisait appel à moi ?? Les questions fusent et se bousculent. Il faut dire que le moment est important, il en va de notre réputation… Chez nous, m’sieur dames, dans cette famille, on chante et on chante fort ! Longtemps ! Les épuisés n’ont qu’à bien se tenir, ici on aime chanter, on sait la fête comme d’autres les mathématiques ! L’aventure est au coin de la table et sous la table, le chien résiste aux notes hasardeuses qui viennent nicher au creux des mélodies ...

Chacun sait la partition mais chacun fait mine de la découvrir. Alors l’une se lève et entame la chanson du village… La justesse importe peu. Le sourire sous gorge des enfants est vite réprimandé par les parents. Un regard a suffit, on apprend tôt à vivre ensemble. Ici, on écoute, on suit, à la limite on accompagne, on rythme, la cuillère sur le bord du verre … C’est une affaire sérieuse même si chacun sait ce que ce théâtre a de burlesque… Le monde peut s’arrêter, nous sommes Crusoë et notre île nous suffit amplement… La table est bien garnie et la boisson nous tient chaud ! La vie est là, toute entière dans ce rectangle qui nous serre de salle à manger. On applaudit, on embrasse, on est prêt à tout pour être le premier, la première à embrasser la chanteuse qui vient d’achever son hymne. Le rouge aux joues se fait plus écarlate et le soir tombe sur la campagne… Dedans, il fait jour… un peu ! «  On n’est pas des parisiens » lance la grand-mère en se levant pour éteindre le bec de lumière qu’un hasardeux à allumé. Elle en profite pour faire la distribution de bonbons que chacun des enfants attend avec une impatience trépidante… Il y a toujours un moment pour la distribution de bonbons... Les nounours au goût acidulé c’est le salaire du dimanche pour les mômes que nous sommes !

La ribambelle de lardons s’allonge et les sourires s’étalent sur les petits visages… Un esprit de liberté plane sur la place. Il est tard mais personne n’envoie personne au lit ! Le sommeil semble hors la loi, l’école n’est qu’un lointain souvenir.

Voila qu’un autre se lève, puis deux, puis trois… Les autres retiennent leur souffle,… On sait. On sait par cœur. Par cœur justement. Alors on montre sa surprise qui n’en est pas une et son désir qui, lui, est bien réel. L’instant est gourmand, joyeux et les yeux brillent. L’excitation est à son comble, le trio (un père et deux oncles) va chanter. Chanter,  mais aussi mimer et danser sa chanson, La chanson de l’ours.

Le silence se fait, solennel. Un silence identique à celui qui précède les grands événements, les grandes compétitions sportives… Il ne s’agit pas d’un record du monde, c’est bien plus que ça ! C’est l’univers qui va trembler… Et puis soudain, le trio entame sa chanson…. « Dans notre village autrefois, un ours énorme dévastait le bois… » 

Les trois compères chantent et dansent avec la justesse d’une écrevisse qui parcourt un 100 mètre, mais le résultat importe peu,. On s’amuse. Les yeux brillent, la joie triomphe pour peu qu’on sache la convoquer au coin du bois ! 

Alors, on est ensemble…

Le 06/02/2013

à St Etienne du bois