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Jusqu’au bout, jusqu’au revoir (Parfum d'enfance)

(Petrek)

Dire au revoir, saluer, accompagner jusqu’au bout. Au bout du chemin, au fond de la cour, sur la route. Des amis sont passés. Une femme, un homme, leurs enfants… Ils avaient un chien, ils n’en avaient pas. Un éléphant peut être… ? Je les raccompagne et je les suis jusqu’à disparition de leur voiture qui a eu la bonne idée de les amener jusqu’à moi. J’accompagne toujours les amis jusqu’au bout…Au bout de quoi ?

C’est étrange ce besoin de ne pas laisser les gens se détacher !

Pas si bizarre que ça finalement…

Enfant, je n’ai jamais quitté la maison de mes grands parents paternels sans qu’ils ne nous accompagnent jusqu’au bout… J’y repense aujourd’hui…

Ce jour là, ou un autre, j’ai joué avec le coq, peut être l’ai-je mangé avec délectation nageant dans sa sauce au vin…

Ce jour là, ou un autre, je me suis caché entre les lits de la chambre du fond…

Ce jour ou un autre, j’ai jappé avec le chien…

Et puis, ce jour là, ou un autre, enfin, le temps s’est épuisé. Il a passé son tour, il a fallu rentrer.

Mes parents m’ont dit de mettre le manteau dont j’ai horreur et je l’ai mis. Il n’était pas si moche que ça !

Ce jour là, la grand-mère m’a embrassée et je crois bien que le poil du chien faisait pâle figure face au duvet noir niché sous son nez. Mais ma grand-mère est gentille, elle est rigolote et elle me donne des bonbons, ce que le chien ne fait jamais !

Mon grand père m’a salué comme les hommes se saluent. Un clin d’œil a ponctué notre échange, bref mais appuyé et j’ai enfourché le cheval de mes rêves : la porte arrière de la GS familiale…

Le temps d’allonger les jambes fatiguées et le GS démarre… Une fin de phrase à la fenêtre, un sourire et on est déjà dans l’entre deux. Pas encore dans la minute qui va suivre mais plus tout à fait dans celle qui s’écoule… Je pense déjà à ma journée, son souvenir s’écrit. Je pèse le bon du moins joyeux et mon cerveaux, déjà, classe avec méthode chaque seconde vécue ce jour.

La voiture fait le tour du puits qui trône au centre de la cour, elle repasse devant la maison dont les habitants, mes grands parents, auraient pu déjà quitter la scène, s’affairer à ranger, mettre en ordre le désordre intérieur créé par notre visite … Mais non… Rien de cela, les deux vieux sont assis sur le banc qui fait front, l’un appuyé sur sa canne, l’autre cachant ses mains sous le tablier de cuisine qu’elle n’a pas quitté de toute la journée. Ils regardent le convoi passer devant eux, je les regarde, ils nous saluent d’un geste lent, nous échangeons un œil chaleureux, j’ai chaud, je suis bien !

La voiture roule au pas, elle entame son retour,… Un angle mort fait disparaitre mes grands parents, puis soudain, dans le rétroviseur, ils réapparaissent… Ils sont là, ils n’ont pas bougé… la voiture accélère, les mêmes sourires complices, la même calvitie pour lui, les mêmes yeux clairs pour elle…  Je comprends alors que le retour fait encore partie de notre visite, notre présence jusqu’au revoir marque leur désir de tisser un lien fort entre ce départ et notre prochaine arrivée.

Alors, calé dans le siège mou de la GS, doucement, je lance dans la barbe que je n’ai pas encore un salut plein d’affection pour ces deux vieux qui nous regardent… La voiture est déjà loin et l’image du banc se fixe dans la tête du gamin comme la photographie avant d’être révélée…

J’ai 46 ans, la semaine dernière, j’ai acheté un banc …

le 21/01/2013

à St Etienne du bois