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Le diable

(PETREK)

Il était là, coincé, couché entre deux pierres
Le regard froid, glacé, comme une mise en bière
Adossé, dos au mur brisé du vieux cimetière
Il était Lucifer, là, pour raison d'enfer

Lequel de l'ami Paul ou bien de l'ami Pierre
Lequel j'allais choisir, lequel ferai l'affaire
Lequel, faire le bon choix n'est pas une mince affaire
Allons y choisissons, choisissons sans manières

L'ami Paul, le requin, lui, était homme d'affaire
Un sourire stratégique, vissé, juste pour plaire
L'ami Pierre, dès matin, lui, travaillait la terre
Des amis pour la table, il aimait la bonne chère

Moi, misère, pauvre Diable
Lequel j'allais choisir
Lequel des deux bon dieu
Lequel j'allais faire cuire

Paul aurait pu sans mal s'acquitter de sa tâche
Devenir commercial, travailler sans relâche
Un apéro génial puis une garden party
Un truc original, un truc en plein Paris

Hardy comme un sou neuf
L'aurait pu sous la table
A grand coup d'billets neufs
Monnayer quelques âmes

Moi misère, pauvre Diable,lequel j'allais choisir
Lequel des deux, bon dieu j'allais donc faire griller
Lequel des deux morbleu, lequel allait bouillir
Jusqu'à la fin des temps, lequel allait donc cuire ?

Oui mais pour l'ami Pierre sûr que j'y gagnerais
Sûr que j'y gagnerai en convivialité
« Passez donc me voir et si vous hésitez
J'ai quelques trucs à boire qui vont vous décider... »

Mais avec ses amis, tous ses amis sur terre
Comment gérer l'affaire, je serai vite débordé
Mon four n'est pas moulin encore moins courant d'air
Faut pas prendre mes enfers pour votre salle à manger !!

Il fallait donc résoudre cette belle équation
Quelle serait la bonne âme quel serait le garçon
Qu'au fond de mes entrailles j'allais cuire à façon
Et lequel des deux hommes réduire en ma cuisson ?

Et c'est du coin de l'œil, perché dans mes enfers
Que je vis mon ami, l'autre homme à qui l'on croit
« Je suis bien seul mon dieu, » dit il ! un brin amer
je le vis bien maussade, en pleine crise de foi

« Tu m'as l'air fatigué sur ta croix haut perché
redescends donc un peu, tu n'as que trop saigné
ton vin tourne au vinaigre et tes vieilles reliques
se vendent chères au prix fixé par des fabriques »

Et puisqu'il est admis qu'on doit éternité
A tes amis sur terre, blancs, noirs, gris ou rasés
J'ouvre grand mon repaire, j'offre hospitalité
Un bail pour les enfers à tous tes associés

Car enfin il est clair qu'ils ont la médaille d'or
Qu'au nom de la piété ils sont couverts de morts
Qu ‘enfin à tour de bras, croix de fer, croix de bois
Ils sont champions du monde de la mauvaise foi !

Convenons camarade, qu'ils méritent tout autant
De finir en grillade que Pierre, Paul ou bien Jean
Que la connerie fait peine et que sournoisement
Ils puisent dans tes veines pour faire couler le sang

Je te propose ainsi, pour en finir vieux frère
Un commerce équitable, un échange, un dernier
Tu fous la paix aux hommes et je leur laisse la clef
Et pour l'éternité, on classe enfin l'affaire!